Vers la fin du monopole de ChatGPT ?
À l'heure où ChatGPT a envahi la sphère numérique, son utilisation inquiète toujours plus : en cause la mise à nu des données confidentielles que le logiciel se procure par des pratiques douteuses. De nombreux pays ont par ailleurs pris la mesure radicale de bannir le logiciel d'IA de son territoire, comme l'Italie, la Russie, le Venezuela ou encore la Chine.
Open AI disait offrir un logiciel qui devait révolutionner l'univers numérique pour ses utilisateurs en leur octroyant de nombreuses nouvelles possibilités de déléguer des tâches chronophages et fastidieuses.
Cependant, l'ambition première annoncée n'a pas été poursuivie et l'éthique de ce logiciel a été remise en cause. En effet, le logiciel a déjà été pointé du doigt de nombreuses fois.
Son principe même connaît néanmoins un intérêt grandissant. La technologie utilisée permet à toute personne d'accéder à un certain savoir en quelques demandes écrites. Bien que la qualité des réponses fournies soit encore discutable, il s'agit d'un outil qui tend à modifier considérablement notre manière d'utiliser internet. Comme un moteur de recherche en mesure d'assimiler et de retranscrire des informations très poussées, son usage déclenche un engouement chez de nombreux professionnels. Certaines entreprises ont pris le pari de remplacer leurs employés par ce logiciel, estimant « un gain d'efficience considérable ».
On peut alors dire qu'il s'agit d'un véritable bouleversement dans le monde du numérique, profitable à certains et défavorable pour d'autres.
Malgré les controverses, le concept d'intelligence artificielle est bien loin de tirer sa révérence et plusieurs organisations souhaitent reprendre l'idée tout en lui insufflant des valeurs et des limites. L'objectif est de créer un cadre plus sécurisé pour l'utilisateur, plus respectueux des données personnelles ainsi que plus scrupuleux éthiquement parlant dans la recherche des informations.
Beaucoup d'IA ont fait leur apparition pour conquérir le marché comme celle de Google ou encore d'Adobe. Mais l'alternative la plus plausible et s'opposant radicalement à ChatGPT est le Logiciel Libre. Ses quatre valeurs fondamentales (libertés d'utiliser, partager, modifier et étudier) sont un socle solide pour une IA plus responsable, éthique et respectueuse.
C'est ainsi que sont apparues récemment trois créations libres notables : Dolly, Mozilla AI, Stability AI et HuggingChat.
Les concurrents libres de ChatGPT
Dolly
L'intelligence artificielle Dolly a été créée par DataBricks sur un modèle de jeu de paramètres restreint, à l'inverse de ChatGPT. Il s'agit d'un logiciel qui a nécessité peu de moyens financiers (30 dollars d'après la firme américaine DataBricks), son développement ayant reposé essentiellement sur la participation des employés. L'équipe chargée du développement de Dolly s'est basée sur les données générées par l'application d'Open AI, mais leur utilisation était proscrite. Ainsi, DataBricks a créé sa propre base de données avec le concours de plus de 5 000 employés qui ont entraîné Dolly à fournir de manière naturelle des réponses.
Le logiciel Dolly a été publié sur GitHub sous licence Open Source. Il s'agit plus précisément de modèles d'entraînement permettant à tout individu ou toute organisation, même commerciale, de créer son propre modèle sans frais.
Mozilla AI
La fondation Mozilla est déjà bien connue, notamment pour son navigateur sécurisé Firefox, soucieux du devenir des données personnelles de ses utilisateurs. Actrice importante des technologies open source, la fondation Mozilla a choisi, elle aussi, de se lancer sur le marché des IA génératives. Ainsi, elle a créé Mozilla.ai, une startup dédiée au développement d'une IA fondée sur l'intérêt des utilisateurs en misant sur la transparence et la responsabilité. Face à une concurrence propriétaire comme OpenAI qui ne respecte pas de tels engagements, Mozilla entend bien se démarquer positivement avec sa technologie.
Mark Surman, directeur général de la fondation Mozilla depuis août 2008, estime que les IA sont une véritable opportunité pour les gens d'enrichir leur vie, mais il souhaite un écosystème IA indépendant, décentralisé et qui inspire de la confiance. Pour cela, la fondation a le désir de rassembler "des fondateurs, des développeurs, des chefs de produit et des constructeurs partageant les mêmes idées". Mark Surman pense que cela pourrait contrebalancer les technologies issues des grandes entreprises ou des universités. Un montant de 30 millions de dollars a été prévu pour l'investissement initial de Mozilla AI. Moez Draief a été nommé à sa tête en tant que directeur général ; il est expert en applications d’IA depuis près de 10 ans.
Stability AI
Stability AI est originellement une IA générative d'images. Il ne s'agit pas d'un logiciel libre à proprement parler : bien que son code source soit rendu public sur le site Github, il dispose d'une licence restrictive (CreativeML Open RAIL M License) et n'est donc pas en accord avec les valeurs du Libre. C'est une application qui a par ailleurs été la cible de nombreuses critiques et même de poursuites judiciaires par des auteurs lésés en raison de l'utilisation illégale de leurs œuvres. Pour suivre le courant lancé par ChatGPT, elle délivre désormais une version texte qui comme son concurrent permet de générer à la demande du texte et du code. Stable LM ainsi nommée, est publié sous licence open source (CC BY-SA-4.0) et est gratuite.
Elle propose deux versions incluant pour l'heure 3 milliards de paramètres pour l’une de ses versions et 7 milliards de paramètres pour l’autre, bien moins que ChatGPT. Elle laisse libre cours aux développeurs d'améliorer et d'adapter ses modèles. Stability AI dit vouloir offrir l'accès aux IA génératives à tous avec trois engagements : la transparence, l'accessibilité et solidaire.
HuggingChat
Présentée comme une alternative à ChatGPT, il s'agit d'une IA générative (basée sur OpenAssistant) créée par la startup américaine Hugging Face, elle-même fondée par trois Français : Clément Delangue, Julien Chaumond et Thomas Wolf. Hugging Chat est sous licence open source Apache-2.0 et est disponible sur la plateforme GitHub. Il prend la forme d'un assistant virtuel qu'il est possible d'utiliser librement (sans inscription) et gratuitement. Son intérêt réside dans la génération d'informations sous format texte, qu'il s'agisse de texte pur avec plus de 100 langues disponibles ou de code. Selon la description GitHub, des modèles préentraînés permettraient aussi d'organiser ou d'analyser des images ainsi que l'audio, grâce à un système de reconnaissance vocale pour ce dernier média. Il semblerait que pour l'heure ce logiciel ne soit pas autorisé pour un usage commercial.
Il s'agit cependant d'un outil prometteur, car il mise sur la protection des données utilisateurs en n'exigeant pas d'inscription aux utilisateurs et il ne garde pas en mémoire leurs données.
De plus, il dispose d'une supervision des demandes avec une attention particulière pour celles qui présenteraient un caractère illégal ou violent.
Le numérique bouleversé en quête de responsabilité
Le monde du numérique a été fortement ébranlé avec l'arrivée d'IA génératives autant positivement que négativement. En effet, il s'agit d'outils formidables, capables de suppléer l'être humain dans de nombreuses tâches et d’ouvrir le champ des possibles en termes de créativité. D'un autre côté, mal contrôlées, ces applications représentent un danger tant pour les utilisateurs que pour les auteurs des informations qu’elles récoltent.
Si un juste équilibre avec un cadre était trouvé pour ce type d'outils, l'avenir numérique pourrait se révéler brillant pour les utilisateurs. Cependant, des limites et des normes doivent être mises en place pour vérifier un juste fonctionnement des IA. Les acteurs du Libre s'emparent progressivement du sujet et élaborent des logiciels sûrs au sein d’un environnement structuré par des engagements clairs. Il s'agit même pour eux, d'un cercle vertueux que de privilégier les utilisateurs aux profits engendrés par de telles technologies.
Image de couverture par Vogue0987 sur Pixabay.